L'échaudé de Carmaux reprend une technique pâtissière (l'échaudage) moyenâgeuse. Ce biscuit offre l'aspect d'un triangle doré de trois centimètres de côté sur un d'épaisseur. D'une texture très dure, il est piqueté de grains d'anis.
La base est celle d'une pâte à pain (farine, eau sel) parfumée à l'anis. Les triangles de pâte sont ébouillantés, égouttés et recuits au four. Cette opération de cuisson à l'eau bouillante rend le gâteau plus digeste. Les petits triangles bien gonflés pourront alors passer au four pour y dorer.
Ce biscuit dur, non sucré, se trempe bien dans du thé ou du café. Toutefois, on le consomme traditionnellement trempé dans un verre de vin parfumé à la cannelle pour l'attendrir. Il peut aussi être servi à l'apéritif après avoir trempé une nuit dans du vin blanc de Gaillac avec un morceau de sucre.
Un peu d'histoire
L'échaudé, pâtisserie élaborée à la façon d'un biscuit très ferme, tire son nom de la première phase d'échaudage de sa pâte: un pochage dans l'eau chaude, précédant une cuisson au four. Le nom vient d'ailleurs probablement du verbe latin excaldare, devenu eschalder, à la fin du XIe siècle : «échauder, passer à l'eau chaude». Très en vogue au Moyen-Age (une charte de la cathédrale de Paris fait allusion aux échaudés en 1202), ces biscuits faisaient partie, selon la légende, de la besace des chevaliers qui partaient en croisade. On en retrouve en diverses régions sous des noms, des formes et des recettes sensiblement différentes: tortillon (Périgord), brassadeau (Provence, Bas-Dauphiné), bretzel (Alsace), teurquette (Normandie), chemineau (autour de Rouen), craquelin (Bretagne). On en retrouve aussi sous différentes appellations commerciales locales (échaudé de la Brenne, de l'Aveyron, de Rodez, de Riom, de Nice...). A noter qu'il existe une rue de l'Echaudé, à Paris.
Pour ce qui relève des échaudés de Carmaux, ces échaudés triangulaires en pâte à pain anisée dont cette ville* du Tarn s'est faite une spécialité commerciale, on les trouve non loin, à Albi, eux aussi sous un autre nom, celui de petits janots ou petits jeannots. Selon la légende, à l'occasion d'un séjour du roi Saint-Louis, à Albi, un boulanger dénommé Jeannot aurait eu l’idée d'ajouter de l’anis aux échaudés qu’il offrit au roi. Que nenni, d'autres prétendent que l'échaudé provient de la gimblette (un autre échaudé connu sur Albi depuis le XVIIe siècle) : en 1814, Jean-Barthélémy Portes aurait eu l'idée de parfumer ses gimblettes avec de l'anis vert, une production locale courante. Son petit-fils, Jean Vié, dit Petit Jeannot, en deviendra le spécialiste, produisant 700 000 janots en 1866.
A la fin du XIXe siècle, de nombreuses fabriques artisanales produisaient des échaudés dans tout le Ségala (contrée du Rouergue jouxtant le bassin de Carmaux). À Carmaux, l’un des premiers marchands fut un certain J.-P. Carrivenc. Si aujourd’hui Carcenac et Remezy ont cessé toute activité, la Biscuiterie Carmausine (fondée en 1923) et l’entreprise Deymier (1921) poursuivent cette production. L'échaudé de Carmaux possède une confrérie depuis 2003.
*Carmaux, au centre d'un vaste bassin charbonnier, fut le théâtre des grandes grèves de mineurs et marqua l'ascension politique de Jean Jaurès (qui y a sa statue monumentale).
Recette
Ingrédients
(pour 50 pièces environ)
250 g de farine de blé
½ sachet de levure chimique
12 cl d'eau
1 cuil. à soupe d'anis
Sel
Préparation de recette
Mêler farine, levure chimique, sel et anis dans un saladier. Mouiller avec l’eau jusqu’à l’obtention d’une pâte dure. La travailler sur le plan de travail fariné. Laisser reposer au moins 2 heures au réfrigérateur sous film.
Etendre la pâte au rouleau sur à peu près 1 cm d’épaisseur et découper en triangles réguliers (environ 3 cm par côté). Piquer à la fourchette. Plonger ces triangles de pâte dans de l’eau bouillante salée. Attendre qu’ils remontent à la surface. Attendre encore 30 secondes, puis les retirer avec une écumoire et les égoutter sur un linge. Les disposer ensuite sur une plaque huilée ou tapissée de papier sulfurisé huilé et les envoyer dans un four préchauffé à 180°C pour 20 minutes.
Les laisser refroidir et sécher avant dégustation. Ils se conservent bien plusieurs jours.
Le p'tit truc de Léna
Pour ceux que la saveur quelque peu fadasse de ces gâteaux venus d'une autre époque pourrait surprendre, je leur conseille d'ajouter un peu de sucre et de forcer davantage sur l'anis. Par contre, celles et ceux qui crient haro sur le sucre, bienvenue!